Retrouver la mémoire des Héros disparus

L'historien Ernest PETIT  publie en 1874, dans le bulletin de la « Société des Sciences historiques et naturelles de l'Yonne » : LES SIRES DE NOYERS.  Plus de cent références d'archives étayent ce travail d'érudit.    Ernest PETIT dans son introduction évoque mille documents citant cette famille de seigneurs bourguignons. Les premières chartes recensées font apparaître les sires de Noyers au XIème siècle. Les repères se précisent à l'orée du XIIIème.                           Le plus illustre sera MILE X, cité par divers historiens et situé par Maurice Druon dans les Rois Maudits à la Cour de Philippe le Bel. La famille va s'éteindre au cours de la guerre de 100 ans . A Noyers le nom des "Miles" a été donné au collège situé hors les murs.                  Mais qui connaît les actions de ces personnages exceptionnels ?

 C'est L'INTENTION de ce site:  les évoquer et  constituer un groupe amical d'échanges , de réflexion et de recherches, afin de diffuser et  d'honorer leur mémoire

La promenade Charles-Louis Pothier en direction de la "montagne Saint-Georges ", de 2016 à 1300 : vue des remparts du Bourg vers le château évanoui des "Noïers"

Un Promeneur curieux qui déambule dans les rues de NOYERS, ce paisible chef-lieu de canton de l'Yonne, ne sera-t-il pas intrigué par ce qui fait la qualité de la ville : ces portes fortifiées, la perspective de ces tours médiévales qui la ceinturent, et se mirent dans le Serein? S'exclamant, ne dira-t-il pas : "mais qu'est devenu le château dont dépend ce « bourg » " ?

S'il est courageux, le visiteur gravira les 250 marches de la « Trine de Willem » qui mènent au chantier archéologique du « Patrimoine oublié », et découvrira, enfouies dans la végétation, ces vieilles pierres éclatées par le gel.

Ces vestiges anonymes, qui sont le patrimoine bâti de la cité et sa richesse, imposent cette question : « Quels étaient les hommes qui ont édifié le Bourg et le Château, et pourquoi » ? Car le PATRIMOINE c'est l'HISTOIRE !

Qui étaient, du XIème au XVème siècle, ces seigneurs MILE dont le nom « NOYERS » était le cri de ralliement à la bannière, sur tous les champs de batailles de Bouvines à Poitiers, sans oublier Saint-Jean d'Acre.

plan du "Colonel Gellez"       (XIXèmesiècle)

Aigle des Noïers: musée d'AUXERRE

Cette place forte  avait joué un rôle si important pendant les guerres de religions, que le château fut démantelé en 1598 sur l'ordre de Henri IV.  (Murailles et tours minées et effondrées dans les fossés ou le long des pentes escarpées)

 Sur le dessin de Duysvert en 1610, mis à part le châtelet qui ouvre sur le bourg,  ne semblent persister que des ruines informes qui serviront par la suite de réserve de pierres et de carrières. Recouvert d'une végétation sauvage depuis la guerre de 14, le château  actuellement est devenu virtuel, réduit à l'état d'éboulis éclatés par le gel. C'est tout le mérite de l'association "du Patrimoine Oublié" d'avoir créé un chantier archéologique qui restitue une "forme" à cette forteresse, en dégageant l'escarpe de deux tours au fond du fossé nord . Aussi l'état actuel des connaissances  se base sur les fouilles et les écrits en particulier  les "gesta" de l'évêché d' Auxerre (textes en latin témoins de l'époque, où il faut faire la part de l'emphase)  et les comptes de l'entretien du castel  au cours des 13 ème et 14 ème siecles , ( cf E.PETIT et F.CAYOT).  Quoi qu'il en soit il est fait état  "du plus bel chastel du royaume" . Le plan probable mais incertain, au XIII ème siècle définit la surface considérable de 5,5 hectares. Selon l'habitude, l'édification du castel  procéda par étapes . Avant le XIIème siècle  Noyers est situé sur la rive gauche, il existe alors probablement  une fortification rudimentaire sur l'éperon rocheux qui domine le méandre du Serein. Clérambeau ( ?, 1196) avant son départ pour la croisade, réalise d'importants travaux de fortifications, et le bourg commence à habiter la boucle de la rivière. Mais l'essentiel des constructions, pour atteindre leur dimension définitive, et du castel et du bourg, sera réalisé par Hugues de Noyers évêque d'Auxerre.                                                                          HUGUES (?, 1206) frère cadet de Clerambeau, plus guerrier que clerc, comme Philippe Auguste est un passionné d'architecture militaire. Il est le tuteur de son neveu, le futur Mile VII. Il réalise un modèle de défense militaire dans le bien familial, aux frais de l'évêché d'Auxerre. Cette forteresse défendue sur 3 faces par l'escarpement naturel, s'appuie au nord sur 2 enceintes et 3 fossés. Au fil des lustres ses défenses seront actualisées en fonction de l'évolution de l'art militaire.                                                                                                                  De 1216 à 1222 la comtesse Blanche de Champagne assiègera sans succès l'oncle de Mile VII, Erard de Brienne. Cet échec en confirme bien la qualité défensive , et l'étendue du site est bien le reflet de la puissance des Seigneurs de Noyers aux XIIème et XIIIème siècles. Mais , revers de la médaille, l'entretien  du Château va dépasser les capacités économiques du fief, aussi Jean le Bon devra aider financièrement Mile XII pendant la guerre de 100 ans. 

 Aucun descriptif fiable ne peut être proposé. Donjon, Chapelle, palais épiscopal, devaient être richement décorés à fresques. « Le foyer de la grande salle du donjon - dit Tristan le voyageur - est d'une largeur prodigieuse ; il est couronné d'une sorte d'auvent sur lequel est représenté la chasse de Saint Hubert composée de plus de  vingt-cinq personnages, outre les chiens et le cerf aux abois, le tout joliment placé entre les broussailles  de pierre si finement sculptées qu'il n'y manque pas une épine. » Une bonne charretée de bois se  consume chaque jour d'hiver dans cet âtre immense... » Il est fait état de trois Chapelles ... dans l'enceinte même du manoir à la chapelle seigneuriale il y eut un  oratoire d'un œuvre magnifique et grandement digne d'admiration et de recommandation. Outre  l'enceinte du château, chacune est ornée de peintures murales...  En 1587 une chronique relate une procession menant à la chapelle Saint Georges du château, signalant la destruction de sa voûte mais la survivance de fresques murales.                    Les habitants du "Chastel" et son mode de fonctionnement.                           Outre la famille et les proches, les comptes font apparaître un personnel nombreux : chambellans, grands pages, valets d'écurie, valets de chiens.... Ecuyers, administrateur des domaines, receveur des domaines, procureur, conseillers, nombre de gardes chasseurs et pêcheurs, tous appointés nommément, sans compter les vassaux de passage, leurs suites et chevaux   Le nombre d'hommes d'armes de la garnison est inconnu, mais les chroniques  évoquent l'hébergement possible d'une armée, armes et bagages, dans les salles basses et les cours, le stockage de vivres, des "adductions d'eau et de vin" à partir des  caves (?)                                                                                     Par contre   les "comptes" précisent   un système de garde établi avec les principaux vassaux.  (annexes de E.Petit B.10502 )  " -Lettre par laquelle Odot de Tintry, écuyer 1330, déclare devoir 40 jours de garde à Noyers pour ce qu'il tient de Jouancy - Lettre de Jean Buignoz de Senevoy 1330 qui déclare devoir 20 jours de garde à Noyers pour ce qu'il tient de Jouancy - Lettre de Guillaume de Balloy, écuyer qui déclare devoir 40 jours de garde pour ce qu'il tient à Jouancy  Lettre de Jean d'Athie écuyer déclare devoir 20 jours de garde à Noyers pour ce qu'il tient à Jouancy.......                                               Les comptes d'entretien :  "...Réparé le colombier de la basse-cour, la charpente dessus la chambre près de la tour carrée où gisoit Mlle de Noyers... réparés les avants-logis devant l'ostel du capitaine... charpente de la forge du château - pont-levis par lequel on entre aux grans vergiers - . pris les tuiles de deux vieilles tours des grans vergiés, pour couvrir sur les tours au Cornart et Regnart.... Travaux de charpenterie à deux tours ronds qui sont és grans vergiers du chastel, faisant coinz l'une et l'autre .... Couverture d'une chambre au bout de la grant salle du chastel et des degrés de la chapelle au bout de la dite salle...A Philippon , le paintre, demeurant à Auxerre, 18 livres, pour avoir paintes de bon or et azur aux armes de Monseigneur, les 20 bannières dessus, et 7 livres pour un escu de pierre de 4 pieds de hault et de 2 de large, paint de bon or et azur et taillé aux dites armes, ouquel escu a deux petits lyons qui tiennent le dit escu et sur le dit escu ung timbre et sur le dit timbre une fleur de lis, lequel escu est dessus la porte devant du Belle du chastel....

MILE dixième du Nom des "NOÏERS"

Il sera le point culminant de la dynastie

Ce qui pourrait être son curriculum vitae

- 1271 naît à Noyers,

- 20 ans,  armé CHEVALIER,

- 25 ans,  BOUTEILLER de BOURGOGNE

 entre au « Conseil » du Duc ROBERT,

- 30 ans,  MARECHAL de FRANCE nommé par PHILIPPE le BEL.

- 1326  à 45 ans,  entre au « CONSEIL du ROI de France »

- 1328 à 47ans, Porte-Oriflamme à la victoire du Mont Cassel

- 61 ans, Maître des Requêtes au Grand Conseil du Roi

- 65 ans,  BOUTEILLER de France 

Conseiller financier de la gestion du domaine Royal et Co-président de la chambre des comptes

- de 65 à 75ans, Membre directeur du « conseil secret » du ROI

- 1346 à 75 ans,  Porte l'Oriflamme au désastre de CRECY

- 1350   Mort de MILE X à Noyers

Pendant 50 ans il aura servi 4 Ducs et 5 Rois 

           Les MILE : une Dynastie de Seigneurs Bourguignons

Cette puissance du Château n'est que le reflet du pouvoir de ces hommes, les Mile seigneurs féodaux qui vont compter en BOURGOGNE et par leurs fonctions et par leurs alliances, dès le XIIème siècle. Avant le XIème siècle, les documents permettant d'affirmer la filiation de cette famille sont rares et confus. Le patronyme MILE apparaît dans les chroniques en 1075, cité à l'occasion de la fondation de l'abbaye de Molême, comme afférent à une famille féodale, influente parmi les Pairs de Bourgogne. Selon J.C.Giovanelli, Hugues de Molesme et Hugues de Noyers en sont les premiers donateurs en copropriété avec Thibaut de Maligny conseiller du Comte de Tonnerre. Les premiers seigneurs de Noyers seraient descendants de Milon Comte de Tonnerre. Geoffroy et Gislebert de Noyers auraient fondé le premier village et le premier château en 1050. En 1104 un Gui de Noyers et Anséric d'Avallon fondent le monastère de Fontemoy, future abbaye de Reigny. Un Etienne de Noyers dote l'abbaye de Quincy ; Mile III fera des dons à l'abbaye de Pontigny. Toutes ces dotations aux diverses futures grandes abbayes cisterciennes de la région, témoignent de l'activité et du pouvoir de la famille des Noyers dès le XIème siècle. Egalement on peut mesurer l'influence de la vie intellectuelle et donc religieuse qui aboutira à l'ordre Cistercien, fondé par Robert de Molesmes, ultérieurement magnifié par Bernard de Clairvaux. Mile III (1104-1130) qui prend possession du fief à l'âge de 16 ans, sera actif pendant le règne de Louis VI le Gros. Hormis quelques donations, les archives ne relatent aucun événement d'importance locale pendant cette période méconnue de l'histoire Capétienne. Miles III a épousé Agnès, veuve du seigneur de Pierre-Pertuis. De cette union naissent Mile IV mort prématurément, Mile V seigneur de Noïers, et Gui qui sera Archevêque de Sens.                      Mile V (1135-1181) vécut pendant les dernières années du règne de Louis VI et celui de Louis VII, sous les Ducs de Bourgogne capétiens Eudes II et Hugues III. Son activité semble purement régionale. Il assiste en 1147 à Vézelay, à la prédication de Saint Bernard, mais ne se croisera pas. Grand seigneur bourguignon, les chroniques lui attribuent l'organisation de tournois fastueux à Chablis. Il épousera Odeline de Chappes qui lui amène en dot le Château de Jesse (près de Chaource), et dont il aura cinq enfants dont trois garçons, MileVI mort prématurément, Clérambaud et Hugues.

Gui, Archevêque de Sens.  ( ?-1194)

Mile III eu 3 fils : l’aîné meurt en bas âge, Mile V défendra le fief .Gui, frère cadet ecclésiastique servira Dieu et le clan. Il apparaît archidiacre de la cathédrale de Sens, puis après avoir été nommé prévôt de l'évêché d'Auxerre, il sera élu Archevêque de SENS en 1176 où il succède à Guillaume « aux blanches mains » frère de la reine de France. Mise à part cette trajectoire impressionnante, on sait peu de choses de ce clerc. Aussi pour le situer , faut-il évoquer la ville de Sens . Ville aux illustres racines antiques ( Senons, Gaulois Romains), dans une région riche, croisée des routes commerciales, irriguée par l'Yonne navigable jusqu'à la mer où transitent le bois, les matériaux et les denrées, ville de foires où fleurissent les corporations, sa population atteint les 10000 habitants. L'archevêché de Sens est un des plus important du royaume. La construction de la cathédrale Saint Etienne a débuté en 1135 et consacrée en 1164 sous les archevêques Hervé de France, et Hugues de Toucy.

L'archevêque de Sens est le métropolite de Paris et d'Orléans, dépendent de lui les évêques de Chartres Auxerre Meaux Paris Orléans Nevers et Troyes, c'est dire qu'il se situe au sommet de la pyramide hiérarchique de l'église. Ainsi, il participe à toutes les grandes décisions du royaume au cour des conciles. Guy sera archevêque 17 ans, de 1176 à 1193, mais son activité aux chapitres est bien antérieure pendant les règnes de Louis VI ( 1080-1137) et surtout Louis VII (1120-1180). Ainsi sera-t-il nécessairement proche de Suger abbé de St Denis conseiller des deux rois. On ne parvient pas à un tel poste sans d'immenses qualités intellectuelles et diplomatiques, sans un tissus relationnel et d'alliances démontrant l'entregent de la lignée des « Noïers » qui placent un membre de la famille au plus haut niveau de la hiérarchie de l'Église.. Il ne peut qu'être reconnu par le roi Louis VII et par les familles des Comtes de Champagne et Ducs de Bourgogne.

Gui est un administrateur, il est cité dans les juridictions capitulaires en 1187 , il accorde au chapitre le droit de haute justice sur tous les habitants laïques relevant de l'archevêché. On voit bien que ce pouvoir judiciaire temporel sur la haute criminalité qu'il accorde au « chapitre », lui confère un rôle majeur dans ses relations avec le pouvoir.

Etant donné les dates de son pontificat, il aura participé en 1130 au concile d'Étampes, convoqué à la demande du roi Louis VI, pour trancher le dilemme posé par la présence de deux prétendants Papes. En la présence des archevêques de Reims, de Bourges, et de Bernard de Clairvaux, le concile se prononça en faveur d'Innocent II au détriment d'Anaclet II. En 1147 Louis VII convoque de nouveau le concile à la demande de St Bernard pour préparer la deuxième croisade.

Le 29 mai 1180 Gui de Noyers sacre à Saint-Denis la reine Isabelle de Hainaut et PHILIPPE-AUGUSTE, âgé alors de 15 ans. Il participera au concile de Latran. Enfin il n'oublie pas la famille et l'élection de son neveu Hugues, alors chanoine, à l'évêché d'Auxerre n'est sans doute pas le fait du hasard . Curiosité ? sur son contre sceau figure une tête « d'antique » ; indice évident du syncrétisme des civilisations et de son niveau culturel

Il meurt le 12 janvier 1194 après 17 années de pontificat.

CLERAMBAUD. ( ?-1196)                           Le Croisé

Le deuxième fils de Mile V hérite de Noyers (l'aîné Mile VI décède avant son père). Clérambaud a épousé Alix de Brienne, petite-fille du roi de France LOUIS VI le Gros. En 1190, avec son frère Gui, troisième fils de Mile V, ils seront des 650 Chevaliers qui accompagneront PHILIPPE-AUGUSTE pour la troisième croisade (1190). Se croiser est une véritable aventure, physique et financière. Certes, la famille et les biens du croisé sont théoriquement sous la protection de l'Eglise, le payement des dettes est suspendu jusqu'au retour, et l'accès au paradis est garanti. Mais les équipements et la « suite » (écuyers, sergents ?) sont à charge. Le Seigneur de Noyers sera accompagné par de nombreux seigneurs et chevaliers de son entourage, dont beaucoup ne reviendront pas (morts au combat ou victimes d'épidémies). Il est « banneret » du Comte d'Auxerre. Prudent,  avant son départ, Clerambaud, fait faire d'importants travaux de fortifications sur le château. Il distribue de nombreux dons (moines de Molêsmes, prieuré de Noyers, et Temple). Son fils, le futur Mile VII est en sécurité. Il est confié à son frère Hugues, évêque d'Auxerre, qui en sera le tuteur.  Gui, troisième fils de Mile V, seigneur de Joux et de Lagesse, entré dans l'Ordre du Temple, meurt à St Jean d'Acre, en 1190 après avoir distribué de nombreuses donations, en particulier aux moines de Joux. Au cours de combats devant Saint-Jean d'Acre, Clérembaud fait d'autres donations à l'hôpital de l'Ordre Saint Jean de Jérusalem. (charte réalisée sur le champ de bataille). On ne peut pas dater son retour de « terre sainte ». A-t-il fait partie de la suite de Philippe-Auguste en décembre 1191 ? Sa fille Odeline a épousé Guillaume de Courtenay, frère du Comte d'Auxerre, petit-fils du roi Louis le Gros.    Le dernier acte connu est une donation à l'Abbaye de Quincy en 1196. La date de sa mort n'est pas connue

HUGUES évêque d'Auxerre ( ?-1206) Le quatrième fils de Mile V, est le « clerc » de la fratrie. Trésorier de l'évêché d'Auxerre, il est sacré évêque d'Auxerre en 1183 par son oncle GUY Archevêque de Sens. Il a un profil particulier, haut en couleur pour un clerc ! Il est décrit par un contemporain dans les « gesta des évêques d'Auxerre ... de taille médiocre, beau de visage, d'une grande éloquence, ami des arts, magnifique dans ses actes, opiniâtre dans ses sentiments, affectionné pour sa famille, hautain et vaniteux avec les étrangers ... Tout est dit. C'est donc un personnage brillant, cultivé, éclectique, « écologiste » avant l'heure, il s'intéresse aux jardins, à la faune, la culture de la vigne (il créera une « dîme » sur le vin). Il a un train de vie fastueux, (le chroniqueur cite ses déplacements avec une escorte de 80 chevaux) et réalise des travaux spectaculaires dans la cathédrale. Dans la ville d'Auxerre la cohabitation entre l'évêque et le comte Guillaume de Courtenay (cousin de Philippe-Auguste) est conflictuelle.  Il l'excommuniera pendant sept ans. Plus guerrier que clerc, mandé par le Pape Innocent III, il participe à la répression Cathare. Réputé « Marteau des hérétiques », il réduira une colonie cathare à la Charité sur Loire. Il chasse les juifs d'Auxerre et construit, à la place de la synagogue, une église dédiée à Saint-Nicolas. Soutien fidèle du Roi dans son conflit avec le Pape Innocent III , il n'appliquera pas la condamnation d' « Interdit » sur ses terres, mettant en avant le prétexte que les Noyers sont de « Franc Alleu » (indépendants). Philippe-Auguste reconnaissant lui donnera en 1198, le revenu du siège vacant de l'évêché de Langres.  Surtout, à l'instar du Roi Philippe Auguste, Hugues sera un architecte militaire obsessionnel. Il fortifie: Regenne, Beaurepaire, Toucy, Varzy, mais surtout il s'attachera à transformer le bien familial : Noyers. Il crée l'enceinte du Bourg (ses 26 tours et 3 portes de ville), aménage les ponts, édifie un nouveau château, exemple des acquis militaires de l'époque, qui sera un des « plus beau Castel de Bourgogne » et dont le caractère imprenable se vérifiera par la suite (siège de 1216). Dans l'enceinte castrale, il se construit un palais, pour son séjour épiscopal, une chapelle «...œuvre magnifique et digne d'admiration » et crée, hors les murs du bourg, une paroisse. Il achète enfin la terre de Valan, qu'il donne à son neveu Mile VII. Toutes ses prodigalités ne vont pas sans soulever des protestations. C'est ainsi qu'il se rend à Rome, pour plaider sa cause dans un conflit l'opposant à l'Abbé de Saint-Germain. Il y meurt en 1206. Ilest inhumé dans une église voisine de Saint-Jean de Latran, en présence du Pape et des cardinaux, dans un mausolée de marbre le 6 décembre 1206 

l'aigle aux ailes éployées apparait sous Mile IX

armes de Marie de Crécy-Chatillon épouse de Mile IX

Mile VII. Encore très jeune à la mort de son tuteur Hugues en 1206, et, sous l'influence de ses oncles arrogants, le jeune Mile prend le parti hasardeux de son oncle Erard de Brienne qui revendique le comté de Champagne.  Il en résulte un conflit avec la très puissante Comtesse Blanche de Champagne. Cette guerre « privée », qui contrevient aux édits de Philippe-Auguste, va s'éterniser, opposant les divers vasselages de la région Champagne Bourgogne de 1216 à 1222.    Une alternance de combats et de trêves ravage la contrée, malgré les arbitrages du Roi et du Pape. INNOCENT III se résoudra à excommunier Erard de Brienne (et ses partisans, dont Mile) jusqu'à ce que Erard se résolve à renoncer à ses prétentions, et à faire amende honorable.  L'échec du siège du château de Noyers tenu par Mile, assailli par l'armée de la Comtesse, confirmait ainsi le caractère inexpugnable de la forteresse. Oubliant cette erreur de jeunesse,  voulant s'attacher cette influente famille et son château dont « l'Alleu » est jalousement gardé (forteresse clef aux confins de Bourgogne, Champagne et France), le Duc EUDES III confie à Mile la charge de « BOUTEILLER » à la Cour de BOURGOGNE. Ainsi la famille des Noyers accède au premier cercle des seigneurs de Bourgogne. La distinction de BOUTEILLER est une fonction honorifique, décernée à un seigneur qui présente, goûte, et sert le vin à la table du Duc ou du Roi. C'est une marque de grande confiance à une époque où le poison est une arme redoutée. Le Bouteiller est un membre en titre du « conseil », ouvrant ainsi l'accès à l'intimité Ducale ou Royale.         Mile VII et son oncle Hugues accordent d'importantes « franchises » aux habitants du bourg de Noyers,                                                                                 MILE VIII (1224 - 1273). Impétuosité de la jeunesse ? en 1238, recevant dans son château son beau-frère, Mile insulte Guillaume Comte de Joigny. Il en résulte une guerre « illégale » qui impose l'arbitrage du Comte de Champagne Thibaud, Roi de Navarre, et du Duc de Bourgogne Hugues. Mile devra faire amende honorable et sera condamné à une courte peine d'emprisonnement. Le Duc ne lui en tiendra pas rigueur. Il le maintient dans la charge de Bouteiller, et pour s'assurer de sa fidélité lui donne la terre de Maisy, où Mile va édifier une forteresse (rappelons que la terre de Noyers est de « franc-alleu » c'est-à-dire indépendante de tout vasselage). Il marie sa fille Marguerite au Sénéchal de Bourgogne Jean de Vergy, renforçant encore l'influence des Noyers au conseil ducal  (le sénéchal a une fonction de  "ministre de l'intérieur " au cœur du conseil).                                                  Mile VIII ne participera pas aux deux croisades de Saint-Louis. Son activité va demeurer purement régionale, gestionnaire, "rugueuse" avec les seigneurs riverains, dont Anseric de Montreal, à propos de droits de chasse. Il pérennise et complète les franchises de « main-morte » accordées par son père aux habitants des rues de Venoise et des moulins (future rue Franche) de Noyers.  Il fonde, construit, et dote l'abbaye Notre Dame du bon Repos (ordre de Cîteaux) à Marcilly, dont sa sœur Béatrice sera la première abbesse. Cette abbaye sera la nécropole de la famille où seront inhumés les Noyers jusqu'à Mile XI. Sa seconde femme, Alixant d'Etampes, lui a donné deux héritiers. Il organise le mariage de son fils aîné Mile IX avec Marie de Chatillon.    Il partage alors ses biens entre ses deux fils (le roi Philippe III étant exécuteur testamentaire) : Mile IX aura Noyers et ses fiefs, Jean le fief de Maisy, la charge de Bouteiller, et diverses terres de l'Auxerrois. Il meurt en 1273 et est enseveli dans son abbaye de Marcilly.

Le frère de Marie de Crécy, Gaucher de Chatillon, Connétable de Champagne, est allié aux Villehardouin, et au duc de Lorraine.                L'union de ces deux familles dominantes en Bourgogne et Champagne, par leur puissance et leurs alliances, donnera naissance en 1271 à MileX.  Pendant cette époque du règne de Philippe le Hardi, les « sources » ne font état d'aucun événement local d'envergure, mais l'importance des « chartes » concernant les transactions et donations, démontre ce souci permanent de la bonne gestion des biens: comment agrandir son fief et réaliser les meilleures alliances au bénéfice de la famille. Relevons des chartes d'affranchissement de Vermenton, et d'importantes donations à la Commanderie du Temple de Vermenton. Mile IX meurt en 1291 et Marie deux ans après. Ils sont tous deux ensevelis dans l'abbaye de Marcilly.

L'aigle d'Or aux ailes éployées, sur champ d'azur, servira le Duc de Bourgogne et le Roi de France

MileX aurait pu être ce Chevalier.....

MILE X naît en 1271. Il est la clef de voûte de la dynastie des NOÏERS . Résumer sa « geste » en quelques phrases dans ce chapitre est peu réalisable, mais aussi faut-il essayer de comprendre le personnage. Il résulte de la conjonction de plusieurs facteurs. C'est d'abord l'aboutissement de la maturation politique de cette famille, d'abord ancrée en Bourgogne, où elle sut gravir, par le jeu des alliances, les étapes de la société féodale,  atteindre l'intimité du conseil ducal, puis accéder, par l'union de Mile IX à Marie de Chatillon, au tissu relationnel de la puissante Champagne, géographiquement riveraine de Noyers.                                                                                                Pour réaliser pleinement cette conjonction : fallait-il un personnage hors du commun ,et des circonstances particulières. Ses parents éclairés, vont lui donner une éducation exemplaire en le confiant dès 8 ans à la cour de Champagne. La vie intellectuelle de TROYES, carrefour économique européen, va lui donner auprès de Clercs savants, une formation éclectique à la foi culturelle et pratique, que son intelligence et sa prudence hors pair, permettront d'exploiter au mieux toute sa vie. Il n'accèdera qu'à l'âge de 20 ans aux responsabilités  à la mort de Mile IX, alors qu'il est parfaitrement mûr pour en assumer au mieux les fonctions. Il est alors adoubé Chevalier par son oncle le Connétable Gauthier de Chatillon, qui l'a formé aux armes. Cet engagement de Chevalier est le deuxième point fondamental de son existence : Le respect de ses engagements, la Foi et le Service.   Enfin il va jouir d'une longévité exceptionnelle pour l'époque (80 ans). Il vivra ainsi les règnes de cinq Rois de France : Philippe IV le Bel, Louis X le Hutin, Philippe V le Long, Charles IV le Bel, et Philippe de Valois. En s'élevant graduellement dans les fonctions militaires puis politiques, il sera impliqué dans les principaux événements de cette époque troublée, conduisant à la guerre de       « Cent Ans ».   Ses premiers actes relèvent d'un choix politique radical. Il est confronté pour régler l'héritage de son père à des difficultés financières aiguës, qu'il va régler en négociant avec Robert II le Duc de Bourgogne, le statut de Franc ALLEU de sa terre de Noyers.   Cet « Alleu » qui confère l'indépendance au Sire de Noyers était jusqu'alors gardé orgueilleusement par ses aïeux. Il juge probablement que cette indépendance est plus théorique que réelle,  étant donné la montée en puissance du pouvoir royal. Avec l'accord royal, il soumet ainsi à l'autorité du Duc, cette place-forte, élément stratégique majeur aux confins des terres de France, Bourgogne et Champagne. Il confirme cette allégeance au Duc de Bourgogne dont il est Bouteiller, mais parallèlement il se met au service de la Couronne de France, à laquelle il sera fidèle jusqu'à sa mort. Sa vie durant il sert l'alliance de la Bourgogne au royaume capétien.          Dès lors, il sera de toutes les campagnes militaires de Flandre et de Guyenne; à 30 ans,  Philippe le Bel le remarque et le nomme Maréchal de France . Puis de Louis X le Hutin à Philippe de Valois, il associera une carrière de diplomate tous azimuts dont le sommet est réalisé en 1329 par l 'Hommage rendu par EDOUARD Roi d'Angleterre à PHILIPPE de VALOIS Roi de France.  La cérémonie dirigée par Mile a lieu à Amiens dont son deuxième fils Gauthier est le Vidame .                                                                                              Malgré sa vie de guerre et de cour, Mile ne délaissera jamais Noyers  Il naît, il mourra à Noyers, et séjourne au château dès que possible. C'est son bien, celui de ses ancêtres, il y vit, il en vit. L'entretien, les aménagements et l'organisation de la défense du château, ne peuvent être laissés au hasard ou délégués. Il faut surveiller et préciser le détail des relations avec ses vassaux assujettis à un tour de garde (636 journées de garde). Etant donné son exceptionnelle longévité, on peut s'étonner que Mile puisse traverser toutes les crises les plus graves sous 5 rois, sans subir de réelle disgrâce. Reflet de l'extrême prudence du personnage, il ne fait de l'ombre à personne, et on ne lui connaît pas de réels ennemis. Mile ne se sert pas, il sert! , et reçoit des primes et pensions pour services rendus.         Cette trajectoire incroyable va malheureusement être ternie par la défaite militaire de Crécy alors que Mile, à 75 ans porte l'Oriflamme. Il y est blessé et laissé pour mort.                                                   Poursuivant sa carrière diplomatique, il va perdre son fils puîné Gauthier, (ou Gauché variante selon les écrits)   blessé à la bataille de Picquigny et rançonné, puis son fils aîné Mile XI, dit le Bossu emporté par la Peste en 1348 . Il meurt en 1350 laissant son fief à son petit- fils Mile XII qui n'a que 10 ans.

   armoieries des Noyers-Joigny

Le Bal des ardents

Les NOYERS-JOIGNY

JEAN Comte de NOYERS-JOIGNY (1323-1363)

Mile X en 1337 avait échangé, avec Charles de VALOIS (frère de Philippe le Bel) le Comté de Joigny, contre des terres en Champagne, et donné ce fief à son troisième fils JEAN sire d'Antigny, qui prit ainsi le nom de NOYERS-JOIGNY. A 15 ans il fait ses premières armes contre les Anglais, suivant son père en Picardie, où son frère Gauthier va trouver la mort à Picquigny. Ce sera un redoutable guerrier. Jean épouse Jeanne de Joinville, riche parti, petite-fille du chroniqueur de Saint-Louis. Mais à la mort de son grand-père Mile X, et de son frère Mile XI le Bossu, contre les décisions testamentaires, Jean occupe le château familial. La tentative de spoliation de son neveu Mile XII âgé de dix ans, échoue après l'intervention du roi Jean le Bon.               Le Duc de Bourgogne, Philippe II,  le nomme Gouverneur de Bourgogne en 1355, et c'est à ce titre qu'il est blessé et fait prisonnier à la bataille de POITIERS. Jean est relâché sous caution, pour aller soigner ses blessures à Troyes, où officie cette école de Médecine réputée qui avait déjà traité son père Mile X, après la bataille de CRECY. Mais il demeure     « otage libre » du Roi d'Angleterre pendant la durée de captivité du Roi de France.  En 1358, dépêché par le Dauphin CHARLES régent du royaume, il écrase, avec soixante hommes d'armes seulement, une insurrection paysanne de « Jacques », libérant ainsi la ville de Meaux prise en otage. JEAN le BON, prisonnier en Angleterre, demande au comte de NOYERS- JOIGNY de venir remplacer auprès du Roi un de ses proches, Hugues de Vienne, décédé en captivité. Il ne se soumettra pas à cette injonction.  Le 6 avril 1362, à 39 ans, il est blessé à la bataille de Brignais menée contre « les écorcheurs » et va mourir en mai de ses blessures.